Petits et grands échos en direct de Séoul…

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Par Florian Caullery, Docteur en mathématiques (Aix-Marseille Université) sur place à l’ICM 2014

A propos du CIRM… Pour Jean-Pierre Bourguignon, le CIRM c’est : la bouillabaisse, les calanques, les cigales et bien sûr, les mathématiques ! Le CIRM, il connaît bien pour avoir inauguré en 1982, ce lieu en présence de deux Ministres : à l’époque, Laurent Fabius et Gaston Deferre. Le CIRM fait bien des envieux comme Stephen Huggett qui dit être “so jealous” et cherche à créer un lieu scientifique de cet acabit au Royaume-Uni. Nous avons poursuivi la conversation avec Jean-Pierre Bourguignon qui nous a appris que le Ministre coréen de l’éducation souhaitait tout bonnement supprimer un tiers des heures d’enseignement des mathématiques au niveau du secondaire ! La raison ? Réduire les écarts trop importants des résultats obtenus par les bons et les mauvais élèves au test PISA… Le comité d’organisation de l’ICM, Jean-Pierre et Ingrid organisent une table ronde avec le Ministre coréen pour empêcher cette réforme de passer.

Conférence de Jean-Pierre Bourguignon et Cédric Villani. Cédric avait pris en exemple la célèbre citation du comte de Lautréamont dans son exposé du matin : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Nous lui demandions donc à quelle rencontre absurde il comparerait
les mathématiques. La réponse fut assez drôle : « une bulle de savon symbolisant les géomètres et les algébristes (à cause de la forme pure) et contenant le dés des probabilistes venant s’exploser sur le scalpel des analystes ».  
Les questions de nos collègues coréens tournent principalement autour de la vulgarisation des mathématiques. On notera que Jean-Pierre et Cédric partagent sensiblement la même vision du sujet et que leurs propos se complètent mieux que des suites de Cauchy. Si je devais résumer brièvement leur discours je le ferais comme suit :
L’effort de vulgarisation que la communauté mathématique a entrepris doit être poursuivi car il est intéressant, à la fois pour les chercheurs et pour le public. En effet, pour réussir à vulgariser une science qui n’est pas naturelle pour l’homme, le chercheur doit trouver des images qui peuvent parler au plus grand nombre. Il doit se placer dans la perspective historique de son domaine. Ainsi, le chercheur aboutit nécessairement à une meilleure compréhension de sa science. La vulgarisation lui offre aussi le moyen d’expliquer sa raison d’être et le fait qu’il soit payé par la communauté en montrant au grand public que les mathématiques ne sont pas une science morte comme ce dernier le croit trop souvent. C’est pour cette raison que Jean-Pierre et Cédric profitent de chaque occasion qu’il leur est donnée pour montrer le côté « humain » de la recherche mathématique. On citera en exemple le livre « Les déchiffreurs, Voyage en mathématiques » et l’exposition « Mathématiques, un dépaysement soudain » à la fondation Cartier pour l’art contemporain. Cédric ajoute  que les différents types de médias utilisés ont un effet différent : la télévision a de loin l’impact le plus important mais au détriment du contenu du message, les téléspectateurs retenant bien plus aisément les attitudes et les gestes. Le message sera bien mieux retenu et assimilé à la radio.

Il y a eu d’autres questions à propos de l’enseignement des mathématiques. Les points importants soulevés étaient les suivants :

• Les mathématiques ne sont pas un processus naturel mais une méthode efficace pour résoudre des problèmes.

• Chacun a sa propre approche des mathématiques et c’est pour cette raison que l’enseignement des mathématiques est particulièrement difficile.

• Les mathématiques sont compliquées (contrairement à ce que l’on voudrait parfois nous faire croire) et l’assimilation des concepts nécessitent une participation active de l’élève ((Qui ne doit donc pas être paralysé par la peur de l’erreur.)).


• L’étude des mathématiques est assimilable à la construction d’un mur de briques. S’il vous manque une brique, le mur ne peut se construire correctement. Il n’y a donc rien de pire que les mauvais professeurs de mathématiques.

• L’enseignement devrait se concentrer sur la compréhension des mathématiques et non pas sur l’habilité à faire le plus d’exercices possible en le moins de temps possible. Bien sûr cette approche demande bien plus d’effort aux professeurs.