Etienne Pardoux : « Les résultats qui ont valu sa médaille Fields à Martin Hairer ont été présentés au CIRM en février 2013! »

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Etienne Pardoux (I2M – Aix-Marseille Université – CNRS)

Propos recueillis par Stéphanie Vareilles 
(Communication-CIRM)

Etienne Pardoux, vous travaillez avec Martin Hairer qui vient de recevoir la Médaille Fields, quelle a été votre première réaction lorsque vous l’avez appris?

J’espérais cette médaille pour lui depuis un bon moment. Je suis tout à fait convaincu qu’il la mérite, pour toutes ses qualités mathématiques et ses contributions, et tout particulièrement son dernier gros travail sur les « structures de régularité », qui révolutionne les équations aux dérivées partielles stochastiques, et permet  d’aborder des problèmes que l’on n’espérait pas pouvoir résoudre jusqu’ici. Ma première réaction a été beaucoup de joie pour lui. C’est aussi une reconnaissance de notre domaine commun. Je ne pensais pas qu’un jour le thème « équations aux dérivées partielles stochastiques » serait associé à une médaille Fields. C’est grâce à Martin, qui y a introduit des outils très puissants et très novateurs.

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Martin Hairer

Quels sont vos travaux de recherche communs?

Nos deux premiers articles traitent de l’homogénéisation (comment et quand peut-on approcher une équation à coefficients ayant de fortes oscillations par une équation plus simple, à coefficients constants). Le second, en collaboration aussi avec Andrey Piatnitski, traite de l’homogénéisation d’équations aux dérivées partielles à coefficients aléatoires, dans une situation où la limite est une équation déterministe. Martin m’avait écouté exposer des résultats préliminaires sur ce sujet, et m’a posé une question à laquelle je ne savais pas répondre. La réponse à cette question nous a conduits à un troisième article que nous terminons en ce moment, qui fait appel à sa théorie des « structures de régularité », pour obtenir une équation aux dérivées partielles stochastiques comme limite d’équations aux dérivées partielles à coefficients aléatoires. Le même type de résultat, s’agissant d’équations différentielles ordinaires en dimension finie convergeant vers une équation différentielle stochastique, date du milieu des années 60. Cinquante ans plus tard, le même problème pour les EDP ne serait toujours pas compris sans les outils inventés par Martin.

Vous avez participé à une ou plusieurs rencontres au CIRM avec lui?

Je me souviens d’une semaine au CIRM en février 2013, où Martin avait exposé le gros résultat dont j’ai parlé ci-dessus.

Quel mathématicien est-il? 

Martin a une culture très vaste. Il voit très vite quel est le bon cadre, et le bon jeu d’hypothèses pour résoudre un problème. Il a apporté des contributions importantes sur des sujets vraiment variés. C’est un mathématicien profond et fécond. C’est aussi un excellent pédagogue, qui sait faire comprendre les difficultés et les idées essentielles dans une théorie difficile. Ecouter ses exposés est un vrai plaisir : on comprend à chaque fois des choses nouvelles.
 

Vous pouvez nous livrer une anecdote à son propos?

Je ne peux pas résister à l’envie de raconter comment est né notre premier article commun. J’exposais un travail sur l’homogénéisation lors d’une conférence à Pise. A la fin de mon exposé, Martin m’a posé une question. Nous avons passé le reste de la semaine à creuser sa question (j’avoue que nous n’avons pas écouté tous les exposés cette semaine là), et à la fin notre article était quasiment écrit. 
Je suis proche de la retraite, j’ai donné des exposés devant des auditoires très variés. C’était la première fois qu’un auditeur comprenait parfaitement le problème que je traitais, et avait des idées pour améliorer mes résultats, qu’il avait en outre envie de discuter avec moi.